Decembre 2016

Faits identitaires et religieux dans l’entreprise : comprendre, caractériser et traiter

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Le risque identitaire et le fait religieux se sont invités au coeur des entreprises comme ils l'ont fait au coeur de notre société. Concrètement, que faire quand des salariés revendiquent la liberté de conscience et d'expression religieuse ? Que répondre à l'absentéisme pour fêtes confessionnelles ? ... 

Nombre de managers se sentent dépourvus face à une revendication religieuse ou identitaire. Des solutions existent pour gérer ces situations de manière sereine.

Le risque identitaire et le fait religieux se sont invités au coeur des entreprises comme ils l'ont fait au coeur de notre société. Concrètement, que faire quand des salariés revendiquent la liberté de conscience et d'expression religieuse ? Que répondre à l'absentéisme pour fêtes confessionnelles ? Que mettre en place pour éviter la constitution de groupes communautarisés qui éprouvent des difficultés à coopérer avec les autres ou leur management ? Faut-il signaler - et si oui comment ?- les incidents résultant de l'expression et de l'affirmation de convictions religieuses ? Et après ?

Au fond, comment apprécier s'il y a oui ou non trouble au bon fonctionnement de l'entreprise dans les postures, les attitudes et les comportements des salariés ? Le code du travail donne un élément de réponse essentiel. Selon l'article L1121-1 : «Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché».

La loi Travail complète le cadre légal en ouvrant la possibilité d'inscrire le principe de la neutralité dans le règlement intérieur de l'entreprise, principe qui jusqu'alors était réservé aux fonctions publiques. Cette possibilité supplémentaire ouvre aussi de nouvelles incertitudes : celles qui sont liées à la jurisprudence qui s'établira à son sujet, et peut-être aussi, au regard des débats politiques préparant la présidentielle de 2017, la pérennité même de cette disposition.

«Pas de vague, mon vieux, pas de vague»

Cela étant, l'observation et l'analyse des faits en milieu professionnel nous conduisent à deux constats. Le premier : les codes n'ont jamais empêché les accidents. Le second : les entreprises connaissent souvent un double blocage : des directions qui affirment «ce sujet ne concerne pas notre entreprise puisque nous n'avons aucune remontée, aucune alerte interne» ; le management de proximité qui agit «en l'absence d'orientation et de consignes de la hiérarchie ce sujet très sensible est tabou, je ne fais pas de vague, on se débrouille comme on peut».

Dans ce processus circulaire à double lien où les blocages se renforcent réciproquement, un principe prévaut : «PDV. MV.PDV», autrement dit «Pas de vague, mon vieux, pas de vague». Aujourd'hui cela revient in fine à «mettre les cendres sous le tapis». Et demain, l'incendie ? De fait, trois questions majeures s'imposent aux dirigeants qui ont le sentiment d'être peu outillés ou qui ont simplement peur de la polémique : comment minimiser les risques en matière de sécurité ? Comment assurer la performance dans l'organisation du travail ? Comment préserver la réputation des dirigeants et de l'entreprise ?

Triptyque méthodologique

Sur ce sujet qui mobilise toujours une très forte charge affective et émotionnelle, il y a nécessité d'agir à trois niveaux : le choc des valeurs - quand le dialogue social et le travail d'équipe s'affaiblissent par manque de compréhension commune des tensions et crispations qui peuvent s'exacerber sur ces sujets ; le choc des identités - quand la défiance et la méfiance se substituent à la coopération ; le choc business - quand l'image, la sécurité et la performance sont remis en question.

Pour se donner toutes chances d'une appréciation réaliste de leur situation et pour se doter des capacités leur permettant de reprendre le contrôle, les entreprises peuvent s'appuyer sur un triptyque méthodologique. D'abord, comprendre, pour repérer le phénomène de radicalisation identitaire : connaître les manifestations pour les analyser en saisissant leurs origines afin de donner de la profondeur à la démarche managériale.

Ensuite, caractériser, c'est-à-dire passer par l'écoute et l'observation sur le terrain pour comprendre les spécificités de chaque trajectoire personnelle, de chaque situation. Enfin, traiter, donc mettre en place des «process» en formant des managers et leurs salariés, en constituant un répertoire de décryptage et de bonnes pratiques accessibles à tous, pour inverser les tendances en réinstallant la confiance. Plus que jamais pour les entreprises, l'enjeu est de taille : déployer une dynamique et une stratégie visant à la réconciliation et à la paix sociale au travail.

Olivier Bobineau et Laurent Bérail sont les fondateurs de l'Institut de la Laicité.
Yves-Paul Robert est associé chez Havas Paris


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