Investir, 18 juillet 2015 - Tribune de Guy Loichemol Partner chez Havas Paris et spécialiste de l'actionnariat individuel
La saison des assemblées générales des actionnaires s'achève. Cette année, les observateurs se sont avant tout intéressés à la mise en place du droit de vote double et aux suites du say on pay. Cette attention était légitime et concernait aussi les actionnaires individuels, qui, certes, de par leur faible poids dans l'actionnariat des sociétés cotées, pèsent encore trop peu sur le vote des résolutions. Ils étaient bien là, allant du Palais des congrès au Carrousel du Louvre, en passant par le Palais Brongniart, au gré des lieux accueillant leurs assemblées générales.
Ils étaient d'autant plus attentifs aux prestations des dirigeants que l'assemblée générale est pour eux le moment privilégié de leurs relations aux sociétés. Officiellement, c'est le seul. C'est là qu'ils exercent leurs droits d'actionnaire en validant par leur vote la stratégie de l'entreprise et en lui donnant les moyens de se développer ; mais c'est aussi là qu'ils trouvent une tribune unique pour s'adresser directement aux dirigeants. Et ils ne s'en privent pas !
De fait, les professionnels feraient bien de suivre les échanges avec les actionnaires, car ils sont pertinents. Pour les sociétés cotées, donner la parole aux actionnaires présents et être attentives à leurs questions ne tient pas seulement du respect. Nous sommes bien loin de l'image d'Epinal qui voudrait que les actionnaires individuels ne posent en assemblée générale que des questions très personnelles, liées à leur relation commerciale avec la société, de type performance du service après-vente, voire saugrenues, liées à l'absence de cocktail ou au cadeau offert. Au contraire, l'étude que nous avons menée sur plus de 600 questions posées en 2015 à l'occasion des assemblées générales du Cac 40 montre que les actionnaires individuels posent des questions de fond, qui projettent la société dans le futur et se révèlent être riches de sens. Il s'agit pour près de 50 % d'entre elles d'avoir des éclaircissements sur la stratégie de l'entreprise, scrutée à 360 degrés (stratégie globale, commerciale, d'enseigne, technologique, géographique, financière…), avec, cette année, un accent mis sur les développements hors de France pour une question sur dix, notamment en Afrique, continent que les actionnaires identifient comme source de croissance pour demain. De même, ils questionnent sur leur condition d'actionnaire, leur rémunération, les relations que la société instaure avec eux. A contrario, les questions liées au say on pay ou au droit de vote double, sujets qui ont focalisé l'attention des observateurs, peu nombreuses (3 % des questions), ne sont pas de leur fait mais de celui des professionnels que sont les investisseurs institutionnels.
Pourquoi un tel prisme sur la stratégie ? Parce que leur relation à l'entreprise dont ils sont actionnaires est une relation patrimoniale de long terme ; il s'agit bien là de leurs économies qui sont investies dans la durée pour préparer demain. Ils ont avant tout besoin d'avoir des assurances sur l'avenir de leurs placements et des gages pour le futur. Et c'est bien légitime ! Peu leur importe le salaire des dirigeants, en tout cas en valeur absolue, l'essentiel est que leur investissement soit bien valorisé, du fait d'une bonne gestion et d'objectifs ambitieux.
Ce n'est pas du cynisme, c'est de la clairvoyance et du bon sens ! Encore une idée reçue qui tombe !